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Avant-Propos

Les systèmes alimentaires mondiaux sont en désarroi et imposent une pression croissante sur notre habitat planétaire. Au cours de la prochaine décennie d'action en faveur du développement durable, nous devons envisager les systèmes alimentaires différemment, en tenant compte des valeurs réelles et des coûts totaux liés à l’apport de nourriture dans les assiettes des consommateurs.

Tels qu'ils sont organisés actuellement, les systèmes alimentaires imposent des coûts massifs à la santé humaine (en raison de la faim et des aliments qui contribuent à l'obésité et aux maladies), des coûts à l'environnement actuel (en raison de l'expansion des surfaces et de la dégradation des sols et de l'eau) et des coûts à nos enfants et petits-enfants (par exemple en raison de la contribution des systèmes alimentaires au changement climatique et à la perte de biodiversité). Pour construire des systèmes alimentaires africains résilients et durables, il faudra adopter des politiques et faire des investissements qui minimisent les dommages pour la santé humaine, notre environnement et les générations futures. Les systèmes alimentaires peuvent et doivent devenir positifs sur le plan climatique, et ne doivent pas contribuer à hauteur de 30 % environ aux émissions de gaz à effet de serre - comme c'est le cas actuellement.

Pour ce faire, il faudra intégrer la science moderne et les connaissances locales afin de promouvoir la résilience et la durabilité des systèmes alimentaires. Les variétés de semences améliorées générées par la technologie moderne sont absolument essentielles pour les systèmes alimentaires durables en Afrique. Les systèmes de production de semences propres à l'Afrique doivent se développer.

Il en va de même pour l'utilisation accrue d'engrais appliqués à la dose appropriée aux cultures et aux contextes. Les systèmes de production et de distribution d'engrais propres à l'Afrique doivent être renforcés. Les pratiques durables en matière de culture et d'élevage, ainsi que les systèmes agroforestiers, sont extrêmement diversifiés- en réalité aussi divers que les paysages et les systèmes agricoles en Afrique.

L'Afrique ne devrait pas avoir à choisir entre des approches stéréotypées, telles que les "approches technologiques" ou les "approches agro-écologiques", mais les agriculteurs et leurs partenaires des chaînes de valeur peuvent identifier et développer des "approches africaines". Celles-ci seront basées sur la recherche agricole adaptative locale, les nouvelles sciences, la créativité des agriculteurs et la vulgarisation, et impliqueront des pratiques améliorées, adaptées au contexte, intelligentes sur le plan climatique et durables dans les conditions très variées de l'Afrique rurale. Le renforcement des compétences des entrepreneurs agricoles, notamment des femmes et des jeunes, et la facilitation de leur accès aux marchés (financement, intrants et produits) restent essentiels.

L'AASR de cette année arrive à un moment important, alors que les gouvernements africains tracent des voies claires pour la transformation des systèmes alimentaires et ce, dans le contexte et au lendemain du Sommet des Nations Unies sur les Systèmes Alimentaires 2021. Compte tenu de l'ampleur et du dynamisme des systèmes alimentaires africains, l'engagement de longue date d'AGRA et du Groupe de partenaires AGRF en faveur de l'agriculture pratiquée par de petits exploitants nécessite désormais un changement d'orientation vers le renforcement de la résilience et de la durabilité de l'ensemble du système.

J’applaudis l'AGRA et à ses nombreuses parties prenantes et partenaires pour avoir relevé le défi de la transformation du système alimentaire et pour avoir considéré ce défi comme une opportunité d'intégrer la résilience et la durabilité dans le système alimentaire africain.

Joachim von Braun
Professeur spécialiste du changement économique et technologique, Université de Bonn, Allemagne Président de l'Académie Pontificale des Sciences, Le Vatican